L'institution

Discours d'inauguration de la place Jacqueline de Romilly - mardi 2 octobre 2018

Mise à jour le 02/10/2018

Inauguration de la place Jacqueline de Romilly

Mardi 2 octobre 2018 – 11h30
Madame la Maire de Paris,
Madame le Secrétaire perpétuel de l’Académie française,
Monsieur le Secrétaire perpétuel de l’Académie des inscriptions et belles-lettres,
Monsieur le Recteur,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Chacun le sait bien, c’est souvent lorsque nous sommes éloignés de notre foyer que nous éprouvons l’attachement qui nous y relie. Après l’amère expérience de l’exil pendant l’occupation, Jacqueline de Romilly racontera son retour à la fin de la guerre sur sa chère Montagne Sainte-Geneviève, et parlera avec émotion, comme Ulysse retrouvant Ithaque, de sa « patrie retrouvée ». C’est dire combien les lieux qui nous entourent sont habités par celle qui nous a quittés le 18 décembre 2010.
Sur cette petite place, pleine de vie et de gaieté, au cœur du Quartier latin, nous nous trouvons en effet à quelques centaines de mètres du Lycée Louis le Grand, où elle suivit avec brio son hypokhâgne et sa khâgne, de l’Ecole normale supérieure et de sa bibliothèque, ô combien précieuse dans son parcours d’agrégée, du collège Sévigné, où elle a contribué à la préparation de l’épreuve de grec de l’agrégation, de la Sorbonne, où elle exerça avec passion son métier de professeur, du Collège de France où elle fut la première femme titulaire d’une chaire et bien sûr de l’Académie française où elle entra en 1988… qui n’est hélas pas dans le 5e arrondissement…
Oui, on peut dire que la Montagne Sainte-Geneviève fut la patrie charnelle de Jacqueline de Romilly, comme les collines de l’Attique en furent la patrie spirituelle, une patrie qu’elle nous rendit familière, alors que 25 siècles étaient passés par là. C’est dire l’immense talent d’écrivain et de pédagogue qui était le sien.
Beaucoup ont découvert grâce à l’œuvre de Jacqueline de Romilly – et j’en fais partie – la beauté, l’acuité et surtout la modernité des textes antiques. Car « Homère est nouveau ce matin, et rien n'est peut-être aussi vieux que le journal d'aujourd'hui » comme l’écrivait si bien Charles Péguy.
Toute son existence, Jacqueline de Romilly s’est battue pour que nous ne lâchions pas ce fil d’Ariane tendu à travers les siècles. Elle fut l’une des premières à diagnostiquer la crise de la transmission. Plutôt que d’écouter cet avertissement, beaucoup s’empressèrent hélas de brandir l’ostrakon.
Alors inlassablement, elle répète que les langues et cultures anciennes ne sont pas l’apanage d’une élite, mais un trésor qui appartient à tous, et qui contient « les clés pour la maîtrise du langage, c’est-à-dire la condition même de notre liberté ». On se souvient, Madame le Secrétaire perpétuel, de son discours Enseignement et Education prononcé à l’Académie française devant ses pairs il y a quasiment dix ans jour pour jour. Il y a là toutes les leçons à retenir pour que l’école de la République soit au rendez-vous.
C’est cette conviction qui conduit Jacqueline de Romilly à fonder l’association « Sauvegarde des Enseignements Littéraires » – dont vous êtes le Vice-président Monsieur le Secrétaire perpétuel – qui porte haut le combat pour la défense des humanités.
Si elle a fait preuve d’une grande lucidité, Jacqueline de Romilly, trop grecque et donc trop sage pour être défaitiste, ne verse jamais dans le désespoir.
Pour toutes ses raisons, je voudrais vous remercier Madame la Maire d’avoir accepté la proposition, que j’ai matérialisée par un vœu – adopté à l’unanimité de mon Conseil d’arrondissement et confirmé par le Conseil de Paris – de donner le nom de Jacqueline de Romilly à cette charmante place, par ses dimensions modeste, comme l’était cette grande dame, mais portant aussi haut que la Montagne Sainte-Geneviève l’exigence d’excellence pour tous. Car c’est bien dans cette excellence pour tous que réside la promesse de l’école républicaine.
Ayant appris à connaître, grâce à Jacqueline de Romilly, la Grèce antique, nous lui sommes redevables d’avoir pris conscience d’appartenir à une grande famille intemporelle et universelle. En l’honorant, nous lui exprimons notre immense gratitude et notre fierté.

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