Le 5e, haut lieu des cinémas d’art et d’essai

Dossier

Mise à jour le 15/07/2021

Malgré la pression des multiplexes et de la vidéo à la demande, le Quartier Latin compte une dizaine de cinémas indépendants, labellisés « art et d’essai », qui proposent une programmation originale, riche de rétrospectives et de rencontres.
La réputation du Champo (1938) s’est bâtie sur la projection de Drôle de drame de Marcel Carné et les réalisateurs de la Nouvelle Vague de François Truffaut, Claude Chabrol à Claude Lelouch. Classé monument historique en 2000, il compte deux salles où sont programmés des hommages à des réalisateurs mais aussi « les nuits du Champo » jusqu’au petit matin. Constitué d’au moins 40 % de fidèles, « c’est un public qui aime le classique mais qui est aussi curieux, si bien que lorsque je passe des films inédits, ça les intéresse » selon sa directrice, Christiane Renavand, qui a pris la succession de son père en 1980.

Le public, constitué principalement d’étudiants et de retraités, fréquente tout autant une autre institution de la rue Champollion, le Reflet Médicis créé en 1964. Fort de ses trois salles, il offre chaque année une rétrospective de la sélection « Un Certain Regard » du festival de Cannes et au quotidien, des rencontres entre personnalités du monde du cinéma et des arts. Parmi ses prestigieux spectateurs, il compte le réalisateur américain Quentin Tarantino qui a d’ailleurs baptisé la rue Champollion « la Mecque du cinéma »… Quant à la Filmothèque du Quartier, voisine, rachetée et rénovée en 2006 par la famille Causse, elle propose de (re)découvrir de grands classiques, des pépites oubliées, ou assister à des rétrospectives, souvent en écho à l’actualité. « Nous faisons en sorte de relier les œuvres actuelles avec l’histoire du cinéma, son patrimoine », explique François Causse.
Tout proche, le Cinéma du Panthéon, installé dans un ancien gymnase de la Sorbonne depuis 1907, est l’un des plus vieux de Paris en activité. Pour son centenaire, il a été entièrement rénové et offre une salle de 200 places, avec un salon de thé pensé par Catherine Deneuve et le décorateur de cinéma Christian Sapet.

Difficultés face aux circuits classiques

« L’exploitation d’un cinéma demande un grand investissement », rappelle Isabelle Gibbal-Hardy, à la tête du Grand Action (1920), rue des Écoles, depuis 2005. « Nous sommes ouverts 365 jours sur 365 ! La crise du Covid a été difficile mais les cinémas d’art et essai ont été très soutenus via le Centre national du cinéma ». Et pour mieux accueillir ses spectateurs « beaucoup de jeunes et de moins jeunes », le Grand Action « va ouvrir une troisième salle : nous pourrons ainsi garder les films plus longtemps à l’affiche et accueillir encore plus de spectateurs et d’événements ».

Également rue des Écoles, l’Écoles Cinéma Club qui a changé plusieurs fois de noms et de propriétaires, Action Ecole puis Desperado du temps de Jean-Pierre Mocky
qui pouvait y projeter ses films, a été acquis en 2017 par le producteur et réalisateur Ronald Chammah, mari d’Isabelle Huppert.

Ces cinémas indépendants assument « beaucoup de charges fixes assez lourdes (loyer, personnel, location des films…) et qui, dans le cas de Paris, s’additionnent
avec la difficulté d’obtenir les films trustés par les grandes chaînes qui souhaitent la disparition de l’exploitation indépendante », déplore Dragan Klisaric, directeur de L’Épée de Bois, rue Mouffetard, depuis 2017. « Afin de faire face à la concurrence, nous devons réaliser des travaux pour consolider notre position et intégrer les dernières technologies comme la projection Laser 4K ou le son Dolby Atmos ». Ce cinéma, créé en 1978, compte accueillir davantage de rencontres-débats et d’animations auprès du jeune public, comme le fait le Studio des Ursulines.

Né en 1926, précurseur dans le cinéma d’art et d’essai, il s’est spécialisé au fil des années dans les films d’animation pour enfants. « Nous proposons également
des films pour les plus grands et développons de plus en plus d’actions culturelles : ateliers, cinéclubs, rencontres avec les équipes des films… et des événements comme les festivals Format Court, Allers-Retours, le Paris International Animation Film Festival… » précise la direction.

Autre cinéma singulier, le Studio Galande qui, outre sa programmation classique, diffuse The Rocky Horror Picture Show, comédie musicale rock, toutes les semaines - les vendredis et samedis soirs - depuis 1978. C’est le premier cinéma au monde à exploiter le film sans interruption et le dernier à proposer le film animé chaque semaine en Europe, avec trois troupes de comédiens.
Très engagé, l’Espace Saint-Michel a connu un attentat en 1988 contre la projection de La Dernière Tentation du Christ de Martin Scorsese, qui avait entièrement
détruit ce cinéma, né en 1911. Son directeur Claude Gérard poursuit une programmation pointue. Il a été fait Chevalier de l’ordre national du Mérite en 2019.

La Clef

Créé en 1990, le cinéma La Clef a eu, dès l’origine, une programmation tournée vers des documentaires et des films africains et sud-américains. Propriété du Comité
social et économique de la Caisse d’Épargne d’Île-de-France qui a hélas décidé de le mettre en vente en 2018, le cinéma La Clef est occupé par le collectif Home Cinéma depuis 2019. Il défend un cinéma associatif et une programmation indépendante, proposant des projections et des rencontres avec les cinéastes.

Malgré les interventions de la maire du 5e et du Conseil d’arrondissement, la Ville de Paris n’a pas souhaité préempter La Clef. Le groupe SOS s’est porté acquéreur du lieu sans s’engager à conserver son caractère associatif. 21, rue de la Clef.

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